Ouf ! Soupirent les congolais de nationalité et même de résidence, venus au Congo pour faire affaires, qui pliaient déjà bagages pour éviter de se perdre au milieu du cafouillage politique qui avançait sans être arrêté. C’est à juste titre qu’intervient ce « ouf ! » de soulagement. L’issue de la énième crise politique en RDC a été perçue depuis le sommet de l’arbre à palabre planté au centre interdiocésain de Kinshasa, sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), dès lors que les protagonistes ont fumé le calumet de la paix en apposant à tour de rôle leurs signatures au bat du document consensuel de 22 pages.

 

En le parcourant de bout en bout, c’est un document plus ou moins complet. Il énonce les principes en des termes clairs et ne souffre d’aucune ambiguïté. Il est solide, car il a pour fondation, les articles de la constitution qu’il insère dans le contexte de leur considération. Il est mieux que l’accord du 18 octobre obtenu d’une partie des acteurs sociopolitiques congolais, par le togolais Edem Kodjo grâce au large consensus qui lui vaut la dénomination d’ « Accord politique global et inclusif du centre interdiocésain de Kinshasa».

Là où par exemple les négociateurs de la cité de l’Union africaine excluaient la possibilité de l’actuel président de la République de briguer un troisième mandat, sans le consigner dans le texte final, l’accord du centre interdiocésain reprend noir sur blanc l’impossibilité pour Joseph Kabila de se présenter à la prochaine élection présidentielle, car ayant épuisé ses deux possibilités constitutionnelles.

Rien de parfait ne peut découler des êtres imparfaits

Le texte du centre interdiocésain de Kinshasa énonce bien les principes généraux mais néglige quand-même certains détails de taille, alors que le diable loge dans les détails.

La crise qui a précipité l’accord global et inclusif du centre interdiocésain a été qualifié à maintes reprises de mécanique, parce que selon certains observateurs, fabriquée de toutes pièces par la Majorité présidentielle, en inféodant la Commission électorale nationale indépendante (CENI), pour proposer soit un calendrier partielle des élections, qui laisse planer le doute de la tenue de la présidentielle dans le délai constitutionnel, soit un autre calendrier global, surchargé des dates qui poussent certains experts à le qualifier de calendrier irréaliste ou encore constipé.

D’autres n’ont pas d’ailleurs hésité de mentionner le manque de bonne foi d’organiser les élections conformément à la constitution, en tentant de la réviser ou de subordonner la tenue des élections à la loi électorale avec l’insertion de l’incise assassine à l’alinéa 2 de son article 8, s’il faut reprendre les propos du Sénateur Claude Nyarugabo, regrettant à la tribune du Sénat congolais, la mort des dizaines des manifestants du 19, 20, 21 janvier 2015, tués à cause justement de cet alinéa.

Tout en étant conscient de ce manque de bonne foi, les participants aux négociations conduites par les évêques catholiques ont signé un accord dépouillé de tout caractère contraignant de la part des uns et des autres, dans son application. La pierre angulaire de l’engagement des parties dans l’application dudit accord, c’est la foi : « Les parties s’engagent à exécuter de bonne foi le présent compromis et les recommandations du Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral », peut-on lire au point 5 du chapitre 2 de l’accord axé sur le respect de la constitution.

La bonne foi ! Même sans avoir lu Machiavel, tout esprit avisé sait qu’il n’y a pas de bonne foi en politique. Il n’y a que des intérêts à conquérir, à défendre et à préserver. La preuve, cet accord qui est qualifié de ‘’victoire diplomatique’’ du Rassemblement de l’opposition, c’est-à-dire qui consacre la fin du règne très prochain de Joseph Kabila en RDC, et jette l’incertitude dans la mouvance présidentielle de conserver le pouvoir au-delà de 2017. Il n’est pas le bienvenu au sein de la MP.

Les représentants de cette plateforme politique ont signé sous réserve. Comme pour limiter leur engagement dans l’exécution de l’accord, arguant que l’accord manque d’inclusivité du fait que le Front pour le respect de la constitution et quelques politiciens signataires de l’accord de la cité de l’UA n’ont pas ratifié le texte final le 31 décembre.

Or, les mêmes représentants ont signé l’accord de l’UA le 18 octobre, à cœur joie, parce qu’il laissait une marge de manœuvre à leur autorité morale, de se représenter pour un troisième mandat, l’interdiction constitutionnelle n’étant pas repris dans l’accord.

Une structure sans capacité de coercition

Peut être que l’on peut brandir le Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral qui jouera le rôle de garde-fou. Ce conseil une fois investi par le parlement comme le prévoit l’accord, sera ipso facto une structure d’appui à la démocratie comme énoncé au point 1 du chapitre 5 de l’accord, lui-même s’appuyant sur l’alinéa 3 de l’article 222 de la constitution.

Le CNSA sera une structure qui ne pourra peut être obliger l’exécutif d’accompagner la CENI dans le temps lui imparti pour l’organisation simultanée d’une série d’élection. L’accord ne défini pas le comportement de cette structure au cas où la CENI, l’exécutif n’observait pas les recommandations leur adressées : va-t-elle saisir la justice, appeler la population au à manifester… l’autre revers de la médaille.

Et si elle traduisait l’exécutif en justice, le pouvoir judiciaire est subordonné au pouvoir exécutif comme en témoignent les dénonciations des avocats du député national, Franck Diongo du coup de fil, d’une haute autorité, donnant des injonctions aux juges de la cour suprême de justice pour condamner l’élu de la Lukunga à 5 ans de prison. «C’est une honte d’avoir fait le droit dans ce pays », conspuait l’un de ses avocats.

Or, l’accord se limite à la confirmation du Président de la République Joseph Kabila à la tête de la RDC pendant la transition et accorde la primature au Rassemblement sans aller jusqu’à évoquer le partage des ministères clés : affaires étrangères, intérieur, défense, justice, finances, budget, économies. L’application de l’accord du 18 février a accordé quasiment tous ces ministères à la MP.

Avec la ténacité du Rassemblement, ces ministères peuvent constituer un point de blocage entre les deux entités, lequel point de blocage risquera de retarder l’application de l’accord. Et s’ils basculaient tous à la MP, cela va limiter la capacité de contrôle du CNSA. Les arrangements particuliers nous en diront peut-être plus dans les jours à venir.

 

La CENCO a encore du pain sur du bois

Les évêques, mieux, la CENCO ou l’église Catholique pour faire complet, a réussi la où Edem Kodjo, c’est-à-dire l’Union africaine pour aller jusqu’au bout, a échoué. Cependant, cette victoire est fragile et court le risque de tourner en échec à tout moment. La Majorité présidentielle a posé ses prémisses en signant sous réserve. Les conclusions qui découleront de ces prémisses, risqueront de les ressembler.

La conservation de cette victoire passera sans doute, par d’une part l’implication des évêques, afin d’arracher effectivement la signature de du Front pour le respect de la constitution et de la frange des signataires de l’accord de la cité de l’UE, non signataire de l’accord du centre interdiocésain afin pour vider toute pesanteur présentant le risque de tirer le processus de paix vers le bas.

D’autre part, par le fondement de leur démarche sur la vigilance et non sur la bonne foi des acteurs politiques, dénués de bonne foi. Il faudra peut être qu’à travers sa modération, la Cenco assiste les parties impliquées dans l’accord, dans le partage des ministères clés pour produire un gouvernement équilibré. Cet équilibre créera une dynamique d’auto surveillance entre membres du gouvernement, chose qui dissipera tout stratagème pouvant faire échec à l’aboutissement de l’objectif premier de cet accord, la tenue des élections dans onze mois.

Kinshasa Times / JSB