En sciences politiques, la stabilité d’un pays s’analyse selon des termes empruntés à une autre science, la physique en l’occurrence. En effet, la physique parle de la notion des forces centrifuges et des forces centripètes.

Les forces centrifuges sont celles qui ont tendance à fuir le centre et s’orienter vers la périphérie. C’est ce que votre corps ressent lorsqu’un taxi aborde un virage à 80 km/h vers votre gauche. Vous avez l’impression d’être coincé vers votre droite. En fait, vous êtes en réalité coincé vers votre droite par la force centrifuge.

Les forces centripètes, elles, tirent de la périphérie vers le centre. Un exemple concret est la gravitation universelle qui fait que si vous sautez d’un immeuble sans parachute, votre destination inéluctable sera le sol.

Revenons à l’adaptation de ces notions en sciences politiques et leur application à la RDC. Tout événement ou toute action qui unit un peuple ou qui renforce la cohésion nationale est considérée comme force centripète alors que tout facteur de désunion ou de fragmentation nationale est une force centrifuge.

Un pays stable est un système où les forces centripètes l’emportent sur les forces centrifuges.

La force centripète majeure de la RDC est l’héritage d’un fort sentiment d’unité nationale bâtie et léguée par Mobutu. Où qu’on se trouve, un congolais chérit l’unité nationale de son pays et ne conçoit pas du tout voir la RDC dépecée un jour.  L’autre force centripète du pays est la concentration de l’administration à Kinshasa et dans les chefs-lieux des provinces. La notion de la rétrocession des 40% des recettes aux provinces ou celle de la caisse de péréquation participent de cet effort de maintenir l’intégrité du pays. L’utilisation ou du moins la compréhension du lingala (comme lingua franca) dans quasiment toutes les provinces du pays constitue une autre force centripète, même si cette langue est controversée dans les parties non lingalaphones du pays.  La religion chrétienne importée au pays par les colons et que plus de 50% des congolais pratiquent, notamment sous le label du catholicisme, constitue une autre force centripète majeure en RDC.

Cette énumération des forces centripètes est non-exhaustive, car il en existe d’autres.

Les forces centrifuges en RDC sont, elles, multiples et multiformes. L’inexistence d’infrastructures qui rend le pays quasi impossible à parcourir est la première force centrifuge. Elle empêche une cohésion matérielle et physique du territoire, donnant ainsi l’impression que le centre (Kinshasa ou chefs-lieux) a abandonné la périphérie. Le rétablissement partiel de l’autorité de l’état sur chaque parcelle du territoire national constitue une autre force centrifuge, car tout l’Est de la république est depuis des décennies sous le contrôle effectif des forces négatives. La mosaïque ethnoculturelle qu’est la RDC constitue également un élément de fragmentation, avec plus de 250 groupes ethniques dénombrés.

Le tribalisme tous azimuts, en particulier sous sa forme institutionnalisée et caustique connue sous le concept de « géopolitique » constitue un grand commun diviseur.

L’absence d’un déterminant unificateur (à l’instar du génocide au Rwanda ou du vin en France) constitue une autre force centrifuge qui prive les congolais d’un imaginaire d’union.

Cette litanie de forces centrifuges est tout aussi non-exhaustive.

La question que tout analyste politique se posera est celle de savoir si la RDC, dans son contexte d’aujourd’hui et à l’aune des forces centrifuges et centripètes en présence, est ou restera stable.

L’avènement de chaque président au pouvoir polarise automatiquement la RDC entre les ressortissants de la tribu présidentielle et le reste de la république. Aucune présidence depuis l’indépendance du pays n’a dérogé à cette constante politique en RDC.

Aujourd’hui, si la RDC ne prête pas attention aux effets pervers de certaines des forces centripètes, le pays court le risque de dislocation lente mais certaine. L’instabilité chronique à l’est du pays a cristallisé dans les cœurs des compatriotes qui y habitent un sentiment d’abandon qui les détournent économiquement (d’abord) et politiquement (en cours) de Kinshasa et du reste de l’ouest. Le sentiment d’unité nationale en sera entamé et avec lui l’intégrité territoriale.

Quelles seraient les pistes de solution ?

J’y reviendrai dans une autre analyse.