La question de l’alternance politique en Afrique laisse intacts les déterminants internationaux qui agissent invisiblement pour positionner à la tête de plusieurs Etats africains des pions œuvrant plus pour le compte des parrains étrangers que des peuplesd’Afrique. Bien installé depuis des lustres, le système subsiste mais les pions passent. Focus sur la RDC et analyse comparative avec l’Egypte et le Burkina Faso.

Le président Kabila n’est pas encore parti, mais avec la signature du compromis global et inclusif sous la médiation de l’église catholique, son départ est quasiment un acquis pour le peuple congolais qui voulait le voir respecter la constitution et ne pas briguer un troisième mandat anticonstitutionnel. C’est la règle de la démocratie.

Oui, la démocratie : pouvoir du peuple, par le peuple, et pour le peuple. Comme pour dire que le peuple est incontournable dans toute démocratie. Mais l’est-il vraiment? Pas très évident. Il faut rester prudent sur cette question, surtout lorsqu’il s’agit des Etats africains où le système semble plus incontournable que le peuple.

Départ de Moubarak obtenu, mais rien n’a changé

Au bout de quelques années, les égyptiens qui ont secoué le cœur du Caire se rendent à l’évidence que le « diable » Moubarak est parti sans être atteint, et le mal perdure. Le Raïs égyptien a d’abord été condamné en juin 2012 à perpétuité pour meurtre et complot de meurtre des manifestants. Il bénéficiera ensuite d’une liberté conditionnelle en août 2013, avant d’être blanchi dans cette affaire pour ne purger en définitive que trois ans d’assignation à résidence surveillée dans l’hôpital militaire du Caire pour détournement des fonds publics. L’ancien allié stratégique des Etats-Unis au Moyen-Orient, surtout dans la protection d’Israël a beaucoup contribué à l’équilibre au Moyen-Orient pour être lâché par ses pairs. Le « trésor stratégique », comme l’appelait affectueusement le Premier Ministre israélien, Netanyahou, demeure bien conservé par ses alliés.

Par contre, le premier président démocratiquement élu en Egypte, Mohamed Morsi, issu du clan islamiste des frères musulmans constituait une menace pour Israël, donc pour le système. Au bout d’une année de mandat, comme dans président-prisonnier, Morsi a été transféré de la présidence à la prison, avant d’écoper d’une série de condamnation : peine de mort en juin 2015 pour évasions de prison et des violences lors des manifestations de 2011, condamnation à perpétuité pour espionnage au profit du Qatar. Le président élu suit actuellement le cours des événements en Egypte entre les grilles de la prison.

Mohamed Morsi ancien président Egyptien en prison au Caire
Mohamed Morsi ancien président Egyptien en prison au Caire

Dans l’entre-temps, le système s’est réorganisé pour le remplacer par le produit américain de l’United States Army War College, le Général Abdel Fattah al-Sisi, président élu avec plus de 96% de suffrages, score soviétique à la hauteur des contestations qui ont suivi son élection. Sa mission est simple : sécuriser Israël de ses ennemis arabes pour pérenniser système.

Dépouillés de leur victoire, les « héros » de la Place Tahrir qui se sont battus pour la démocratie dans ses déclinaisons, respect des droits de l’homme, respect de la liberté d’expression et autres, se retrouvent à nouveau dans un Etat-policier, privés de la liberté d’expression par un pouvoir qui contrôle les médias locaux. Ils se posent aujourd’hui une question : « À quoi aura servi la révolution » ?

Le maître en exil, les élèves aux affaires !

Après avoir assisté à la chute du pouvoir de Moubarak, au Burkina-Faso le peuple ne pouvait se douter de sa puissance de faire sauter le tyran qui voulait faire sauter les verrous de l’article 37 de la constitution. Il fallait agir. Il a agi.

Du 30 au 31 octobre 2014, deux jours ont suffi aux mouvements citoyens burkinabés pour envoyer Blaise Compaoré en exil en Côte d’Ivoire. Quelques dizaines de personnes tuées par l’armée et la police, des dossiers de corruption sur son dos, l’affaire Thomas Sankara de nouveau sur la table… l’ex para-commando de Pô et géo-stratège français au Sahel bénéficie à ce jour d’une tranquillité dans l’ancienne colonie française la Côte d’Ivoire. Il serait même devenu citoyen ivoirien.

Sur place au Burkina-Faso, ce sont les compagnons de l’ancien Chef d’Etat, anciens de son parti CDP et fondateurs de leur parti, Mouvement du Peuple pour le Progrès, au terme de deux lettres ouvertes adressées à leur leader, qui ont remplacé le Maître empêché. Marc Christian Kaboré, président de l’Assemblée nationale jusqu’en 2012, est devenu Président de la République depuis Novembre 2015. Salif Dialo, ancien Ministre de l’agriculture, est l’actuel Président de l’Assemblée nationale. Bref, au gouvernement comme dans l’administration publique, se retrouvent les mêmes figures dociles au Maître Compaoré et à la France.

 

De gauche à droite : le président de l’assemblée nationale du Burkina Faso Salif Dialo et le président de la république Marc Christian Kaboré
De gauche à droite : le président de l’assemblée nationale du Burkina Faso Salif Dialo et le président de la république Marc Christian Kaboré

 

Du même au pareil

La majorité présidentielle congolaise a connu une scission basée sur la nécessité de désignation d’un dauphin de l’actuel Président Joseph Kabila. En effet, après 3 lettres ouvertes adressées à Kabila par les leaders des 7 partis politiques proposant que la MP se choisisse un dauphin en remplacement de Joseph Kabila à la magistrature suprême, ces partis ont quitté la barque quand leur requête n’a pas trouvé suite. Ils déclareront quelques temps plus tard soutenir la candidature du dauphin pressenti du Raïs, Moïse Katumbi. Or il se constate que l’ex-gouverneur de Katanga, passé dans les rangs de l’opposition, a le soutien de la Grande Bretagne, la France, la Belgique, l’Allemagne, les USA s’il faut s’en tenir qu’aux réactions de ces Etats enregistrées lors de son arrestation pour recrutement des mercenaires. Par ailleurs, à ne regarder que la pluie des sanctions qui tombent sur les collaborateurs de Kabila dans tous les sens, le divorce semble être consommé entre le pouvoir de Kinshasa et ses parrains d’autrefois.

D’aucuns qualifient Moïse Katumbi de « Parrain » du Rassemblement de l’opposition coordonné par l’opposant historique Etienne Tshisekedi. Dans ce cheminement, ils semblent que les mêmes qui ont amené Joseph Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, Joseph Kabila au pouvoir, soient les mêmes qui veulent amener un autre à la tête de la RDC à travers les élections qui se déroulent de la manière dont tout le monde sait.

Joseph Kabila Président de la RDC et Moise Katumbi ancien proche du régime de Kinshasa passé à l’opposition
Joseph Kabila Président de la RDC et Moise Katumbi ancien proche du régime de Kinshasa passé à l’opposition

Et pourtant, la logique est connue : les puissances occidentales instaurent un pouvoir en RDC pour servir leurs intérêts. Une fois celui-ci n’est plus un bon serviteur, il faut le remplacer : Mobutu envoyé en exil après divorce, L.D Kabila assassiné pour sa défense des intérêts congolais qu’occidentaux. Joseph Kabila sous pression pour avoir ouvert trop la porte aux chinois.

La voix du peuple qui est au centre de toute démocratie est réduite à une portion congrue par un individu peut être, mais surtout par le système qui décide sans consulter, ni même se soucier du sort de ce peuple.

Le congolais qui se réjouirait trop vite du départ de Joseph Kabila, doit également s’inquiéter de la persistance du système qui voudrait mettre en place un pouvoir à sa solde.

Par JSB