Il fait ses débuts en politique vers la fin des années 50. Il était à l’époque encore étudiant en droit à l’université Lovanium de Léopoldville, l’actuelle université de Kinshasa. Etienne Tshisekedi décédé le mercredi 1er février à l’hôpital Saint Elisabeth de Bruxelles, il avait 84 ans. Il laisse un héritage politique qui guidera plusieurs générations de politiciens en République démocratique du congo, mais aussi en Afrique toute entière.

Né en décembre 1932 à Kananga (ex Luluabourg) dans le Kasaï-Occidental, Etienne Tshisekedi Wa Mulumba devient dans les années 60 le tout premier congolais à décrocher un diplôme de doctorat en droit. Il aura gravi tous les échelons de la vie politique active sans atteindre le summum, la présidence de la république. Conseiller au Mouvement national congolais, commissaire adjoint à la justice, député national (PANACO/CONACO) jusqu’à l’instauration du parti unique. L’homme fut plusieurs fois ministre (Justice, Plan, Intérieur, Recherche scientifique…)

Mobutu, les 13 parlementaires et lui

Proche de Mobutu, leurs rapports se dégraderont à partir de la fin des années 70, avant la rupture totale fin 1980. Cette rupture sera scellée par sa signature avec douze autres parlementaires d’une lettre (La lettre ouverte au citoyen président –fondateur du mouvement populaire de la révolution, président de la république, par un groupe de parlementaires) adressée au président du MPR parti-Etat à l’époque, manifeste à travers laquelle ils oseront l’inosable en appelant Mobutu à plus d’ouverture de l’espace politique et des libertés fondamentaux telles que le droit pour chaque citoyen d’exprimer son point de vue sur la conduite de l’Etat. Dès lors sa vie sera faite comme il le témoignera plus tard : «d’arrestations, de tortures de brimades, de pressions, de bannissements, de relégations et de résidences surveillées; ce sort a été partagé avec mon épouse, mes enfants ainsi que plusieurs de mes amis politiques».

Cette lettre ouverte, le conduira en prison après qu’ils aient été déchus de leurs mandats de parlementaires lui et ses douze autres compagnons. Il a à plusieurs reprises été relégué à l’arrière-pays, bastonné et embastillé par le régime Mobutu pour ses prises des positions.

L’UDPS et les va-et- vient à la primature

En 1982 verra le jour l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) premier parti de l’opposition à une époque où les libertés de rassemblement étaient encore proscrites. Il fut l’un des fondateurs de ce que l’on désigne jusqu’à ce jour par «fille ainée de l’opposition politique en RDC». Il incarnera ce parti politique jusqu’à sa mort.

Il rejette la main tendue de Mobutu qui le nomme Premier ministre sans le consulter début en juillet 1991. Deux mois plus tard, il acceptera d’être à la tête du gouvernement après un consensus dégagé par l’ensemble des forces vives de la nation de l’époque, nomination à l’issue de laquelle il constituera le gouvernement de Salut Public qui malheureusement ne restera que quelques jours. Il occupera la même fonction en 1992 après avoir été élu à 72% par les délégués à la conférence nationale souveraine (CNS) ; en 1994 lorsqu’il est investi chef du gouvernement par ses pairs de l’Union sacrée de l’opposition radicale et alliés selon les dispositions de la constitution de la transition, il connaitra le même sort qu’aux fois qui ont précédé. Pendant toutes ces années, il est reconnu chef de fil par l’ensemble des forces qui résistaient à l’autoritarisme de Mobutu, qui montrait déjà des signes de faiblesses et encore une fois en 1997 à quelques semaines de la prise de pouvoir par l’AFDL de Laurent Désiré Kabila il occupera les bureaux de la primature pour quelques jours seulement.

La période AFDL

Le départ de Mobutu du pouvoir ne rendra pas la situation facile à celui qui s’est opposé à toute forme de violence dans sa lutte politique, faisant de la libre expression sa seule arme. Tshisekedi ne dérogera pas à sa nature d’esprit libre à l’arrivée de LD Kabila. Sans langue de bois, ses positions lui vaudront une relégation à son village d’origine. En 2003 il refuse de participer au gouvernement de transition. Après un long séjour en Europe pour des raisons de santé, il reviendra à Kinshasa requinqué en 2011 pour participer à l’élection présidentielle du mois de novembre de la même année. Il arrive en deuxième position lors de cette élection.

Le retour plein d’espoir pour le peuple et le sommeil éternel

Une grande foule l’accueille fin juillet 2016 à son retour, deux ans après son dernier départ pour l’étranger. Il réussit grâce à sa sagesse et son expérience à réunir autour de lui une grande frange de l’opposition à un moment crucial de l’histoire de la RDC, en vue de faire barrière à toute tentative de prolongement du mandant de l’actuel président Joseph Kabila qui en est à son second et dernier. Cette mission est réussie grâce à l’accord de la Saint Sylvestre dont il a été l’un des grands artisans, accord dont il ne verra pas l’application.

«C’est un héros, on ne le pleure pas, on continu son combat», déclare Christophe Lutundula vice-président du G7 en hommage au président du conseil des sages du rassemblement.

Il est aujourd’hui considéré comme le père de la démocratie congolaise. Le sphinx de Limete décède armes à la main pendant que les tractations entre pouvoir et opposition ne se sont pas encore bouclé. Ce départ brusque ne sera pas sans conséquence.

«Sa disparition laisse un trou dans la vie politique de la République démocratique du Congo. Il va impacté l’ensemble de la vie politique du pays», a pour sa part indiqué Alain Atundu porte-parole de la majorité présidentielle.

A part quelques pauses pour des motifs de sénilité, il ne se retirera jamais de la vie politique. Sa lutte non armée restera sans nul doute la grande leçon pour les générations actuelles et futures. Après près de soixante ans de vie politique dont plus de trente de combat pour la démocratie, Etienne Tshisekedi laisse la RDC orpheline, et ne verra pas le passage civilisé du bâton de commandement entre deux présidents de la RDC, ce pourquoi il s’est battu durant sa vie.