Mars, mois dédié à la femme, la rédaction de Kinshasatimes (kt.cd) vous propose une série de publications mettant au devant de la scène la femme congolaise. Les portraits des femmes qui excellent dans le domaine réputé « masculin » et de celles dont le parcours inspire seront quotidiennement publiés. Mais aussi les reportages et enquêtes. Ouvrons cette série par Tisya Mukuna.

Elle a repoussé le mythe selon lequel le café ne pouvait pas pousser sur les terres congolaises. Aujourd’hui, elle est le symbole palpable de l’étoile montante de l’agriculture congolaise. Tisya Mukuna a fait du Café la Kinoise, sa marque, l’une des entreprises florissantes en République démocratique du Congo. De Kinshasa, à Paris, en passant par les Forbes, Tisya Mukuna nourrit l’espoir de la femme congolaise battante.

Mercredi 01 mars, d’un sourire scintillant et enjolivant, alors qu’elle est à Paris, capitale de la France, Tisya Mukuna, avec sa petite barrette rouge sur les cheveux remporte le trophée de l’agriculteur du monde au Salon International de l’Agriculture. Pour le Café la Kinoise et son CEO, l’année de 2023 commence de la plus belle manière. Son habituelle barrette ne manque pas quand elle passe à la télé ou à ses rendez-vous avec les médias. Cheveux soignés, barrette rouge, parfois rose, fierté dans la prise de parole, ou encore la verve qui captive, Tisya Mukuna accroche dès les premières minutes ses interlocuteurs.

Si la jeunesse congolaise avait un portrait d’espoir de si bon augure, il s’appellerait Tysia, l’étoile, comme pourrait se traduire son prénom en hindi (une des langues officielles de l’Union indienne, NDLR).

Une enfance qui prédisait sa prédilection

« On veut proposer un café 100% congolais », lâche-t-elle avec détermination.
Cette prédisposition de la perfectionniste qui veut à tout prix apporter des solutions est une marque de fabrique de la jeune entrepreneure congolaise. A Kinshasa, l’année 1992 marque la naissance de Tisya Mukuna, l’étoile qui brillera à jamais dans le firmament de toute la République démocratique du Congo. Paris est la ville où elle a grandi. Elle n’est pas le fruit du hasard dans le monde des affaires. La fondatrice du café la Kinoise est née de deux parents entrepreneurs. Son père fait notamment de l’élevage et de la pisciculture. Toute petite, alors qu’elle était adolescente, Tisya Mukuna fait ses débuts dans le monde des affaires. Avec sa sœur, elles faisaient déjà des mélanges du sirop et de l’eau, les revendre par la suite pour ne pas manquer de l’argent pour les sucreries et les pâtisseries.

C’est au lycée Honoré de Balzac dans le 17e arrondissement de Paris, qu’elle décroche en 2010 un Baccalauréat économique et social option mathématiques, puis intègre l’Université Paris Nanterre dont elle sort diplômée d’une bi-licence en gestion et langues anglophones, en 2014.

Elle a ensuite effectué des stages chez Panasonic France, Microsoft France et l’agence de publicité Biborg pour renforcer ses connaissances dans le domaine du marketing. Les expériences positives, cependant, lui feront réaliser que dépendre de l’employeur n’est pas fait pour elle.

C’est par la création du blog culinaire Fitmiam, axé sur la promotion du bien-manger, que Tisya va encore exprimer sa passion de l’entrepreneuriat. La patronne de la Kinoise retourne sur le banc de l’université. Étudiante à l’IÉSEG School of Management, elle a fait le choix d’un Master en Marketing et a choisi de combiner ses études sur le campus de Paris-La Défense avec son temps d’études en Chine, ce qui lui a valu un Master en Management des Affaires en 2016 (MBA) en négociation commerciale par l’Université internationale de Shanghai.

Le retour à Kinshasa, le point de départ

En 2017, Tisya Mukuna retourne à Kinshasa, la terre de ses ancêtres. Elle développe l’habitude de se rendre à une vingtaine de kilomètres au sud de Kinshasa, dans leur parcelle familiale de 20 hectares, située dans la commune de Mont-Ngafula, où elle prenait plaisir à cultiver tous types de fruits et légumes.

De cette culture de cultiver les fruits sera ensuite née l’idée ingénieuse de la culture de caféiers. Elle fonde en 2018 son entreprise de cafetiers baptisée « La Boîte ».

« L’histoire du café a commencé quand j’étais étudiante. Au départ, je voulais juste vivre cette expérience d’expérimentation. Les gens me disaient que le café ne pousse pas, que ça prenait trois à quatre ans pour pousser. J’avais juste de la curiosité pour voir si ça pouvait pousser », se souvient-elle.

En 2019, pour sa toute première récolte commercialisée, Tisya Mukuna obtient trois tonnes de café : 90 % d’arabica et 10 % de robusta.

Si en 2018 elle crée de manière informelle son entreprise, la « Kinoise » voit le jour officiellement en 2020, la première marque de café cultivé et produit dans la ville de Kinshasa. « La Kinoise fait référence à la plantation qui est à Kinshasa », explique la jeune dame à la barrette rouge sur les cheveux.

La « Kinoise » est spécialisée dans la production de quatre gammes de café Arabica, Robusta, Mochaccino, Arabusta.

Tisya Mukuna, la jeune congolaise dans Forbes

Aujourd’hui, la Kinoise est une plantation de plus de 6 000 cafetiers. C’est une prouesse remarquable pour la jeune femme. Lauréate de l’ICN Top Emerging African Young Women Leaders 2021, Tisya Mukuna se voit parmi les 50 jeunes femmes leaders les plus influentes du continent africain, avant de figurer dans le Top 30 Under 30 du magazine Forbes, paru en juillet 2022.

« Quand mes amis me l’ont annoncé, je l’ai pris pour une blague. Comme tout le monde, j’étais surprise. Je me souviens, ce jour-là, j’étais avec ma famille. C’est une autre étape pour moi, car je ne me suis pas lancée dans l’entrepreneuriat pour les recommencés. C’était avec un sentiment de fierté que j’avais appris ça », avoue-t-elle, avec un air détendu.

Le rêve qui ne s’arrêtera pas

Face aux problèmes liés aux infrastructures routières, l’électricité, l’accès à l’eau, lesquels constituent un frein pour le travail en République démocratique du Congo, Tisya Mukuna, dissidente, se dit prête à se battre pour lever encore plus haut, l’image de l’entrepreneur congolais.

Pour la toute première fois que la RDC enregistre des femmes dans la culture du café, Tisya affronte aussi des difficultés sur certains clichés des certaines personnes qui décrédibilisent encore son travail. Elle reste néanmoins courageuse, car elle sait que la jeunesse consciente s’identifie en elle.

Si l’audace avait un visage, elle aurait le visage de Tisya, celui du café Kinoise qui a conquis Kinshasa, Matadi, Lubumbashi, aujourd’hui, au Salon International de l’Agriculture à Paris.

Licencié en Sciences de l’information et de la communication. Journaliste, rédacteur et reporter spécialiste des questions politiques. Journaliste spécialiste en culture et Fact-checker