Son mandat en RDC a pris fin ce 14 septembre 2017. Son analyse de la situation politique du pays livrée à KINSHASATIMES.CD à deux mois de la fin de son mandat n’a pas beaucoup varié au regard des faits sur le terrain. Retrouvez ci-dessous l’interview accordée par Graham Zebedee, ambassadeur britannique en RDC qui passe en revue les relations entre Kinshasa-Londres, l’accord du 31 décembre ainsi que la crise dans l’espace Kasaï.

Vous arrivez à la fin de votre mandat en République démocratique du Congo en tant qu’ambassadeur du Royaume-Uni, quels ont été les temps forts de votre mandat ?

Je peux citer surtout les voyages que j’ai faits dans le pays en dehors de Kinshasa. Quand j’ai vu les résultats de notre programme de coopération, par exemple les centres de santé au Kasaï ou à l’Est ; la coopération que nous avons avec les FARDC (Forces armées de la RDC, ndlr)  à Goma. Mais aussi la beauté naturelle du pays, on ne peut qu’être frappé par cela.

Comment décrivez-vous les relations entre Kinshasa et Londres alors que votre pays a appuyé les sanctions de l’Union Européenne contre certaines autorités de la RDC ?

Nous sommes membres de l’Union européenne et nous allons le rester jusque mars 2019 et nous faisons partie de tous les consensus européens y compris ces mesures là. Mais il y a beaucoup plus à nos relations que ces mesures là. Il y a le programme de coopération bilatérale qui est d’environ 250 millions de dollars chaque année, notre contribution à des organisations multilatérale  et beaucoup plus encore. Donc c’est un point important de nos relations. Le Royaume-Uni et le RD Congo ont le type de relations qui permettent  à nos pays de parler de manière plus franche en privée l’un avec l’autre. On se passe des messages sur toutes les questions, même les plus sensibles dans tous les deux sens.

L’accord du 31  décembre a été applaudit par le corps diplomatique présent à Kinshasa. Quel bilan faits vous de son application sept mois après sa signature ?

La communauté internationale est un peu déçue de la manière dont cet accord est appliqué. Ce n’est un secret pour personne. On a vu les nominations d’un premier ministre et d’un président du CNSA (Conseil National de Suivi de l’Accord, Ndlr) qui n’étaient pas faites de manière consensuelle comme prévoit l’accord. On parle de mesures de décrispations dans l’accord, certains sont appliquées d’autres non. L’accord prévoit les élections présidentielles, législatives et provinciales avant la fin de cette année 2017 mais selon le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), ce ne sera pas le cas. C’est un peu difficile de faire un bilan positif de l’application de cet accord.

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Quelles sont selon vous les implications du report de ces scrutins prévus initialement en 2017 ?

Il y aura plus de frustrations pour les congolais. Tous les congolais avec qui je parle veulent voter dès que possible dans des élections paisibles. Ils étaient déjà frustrés pour ne pas avoir voté en 2016 comme prévu par la constitution. Ils comprennent bien sûr qu’il y a certaines contraintes mais ils se demandent pourquoi l’organisation des élections était possible en 2006 et 2011 mais devient  difficile maintenant. C’est une frustration qui peut mener à des conséquences graves si la population n’est pas contente.

Vous êtes donc sceptique quant à l’aboutissement du processus électoral en cours…

Ce ne sont pas les partenaires étrangers de la RD Congo qui organisent les élections. Si le président de la Ceni le dit donc c’est quelque chose d’important. Je n’ai pas eu l’occasion jusque-là de lui demander pour quelle raison il le pense.  La communauté internationale a déjà contribué à hauteur  de 150 millions de dollars américains dans le présent processus électoral, l’appui logistique de la Monusco (Mission permanente de l’ONU en RD Congo) notamment et l’aide à l’éducation civique fournie par plusieurs pays y compris le mien. Nous espérons que les élections seront organisées dès que possible.

Global Witness une ONG britannique a fait des révélations sur les capitaux du secteur minier qui échappent au trésor congolais. Certains analystes pensent que plusieurs compagnies minières sont constituées dans îles britanniques. Que fait votre pays face à cette situation?

Je n’ai pas lu ce rapport en détail. Mais je crois qu’il dit plutôt que ces sociétés ne payent pas les impôts ici. Alors que même si on  est enregistré dans un autre pays, une île ou n’importe où, il faut payer les impôts congolais.  Ce n’est pas le cas c’est pour cela que les régies financières congolaises un fossé. Mais  le problème est que même quand les impôts sont payés, ils doivent atterrir effectivement dans le budget de l’Etat, ce qui n’est pas toujours le cas.

On compte aujourd’hui plus de 80 fosses communes avec la crise dans le Grand Kasaï et plusieurs déplacés. Mais la communauté internationale ne s’active pas suffisamment pour faire la lumière sur les auteurs de ces  massacres…

L’organisation responsable dans la résolution de cette crise c’est le gouvernement congolais. La communauté internationale apporte son soutien dans la mesure du possible et cette dernière ne croise pas les bras. Non. Aujourd’hui la Monusco est beaucoup plus présente dans les Kasaï qu’avant. Les agences des organisations qui fournissent de l’aide humanitaire sont également là. La communauté internationale finance cette aide humanitaire. J’étais à Kananga dernièrement et j’ai annoncé 6 millions de dollars de plus d’aide humanitaire britannique pour les déplacés internes. Mon gouvernement fourni également de l’aide à la santé primaire à plusieurs congolais dans le Kasaï. Bien évidemment on peut se poser la question si tout cela va résoudre le problème, non. Seul le gouvernement peut faire cela. Mais est-ce que la contribution de la communauté internationale est significative, oui.

 L’aide du Royaume-Uni pour la RDC est chiffrée à 500 millions de dollars américain chaque année, pour quels résultats atteints à ce jour ?

Oui c’est environ 250 millions de coopération bilatérale et 250 de contribution dans d’autres institutions comme la Monusco, la Banque mondiale… 9 millions de congolais reçoivent des soins grâce à notre programme de santé. On peut aussi parler de nos programmes d’accès à l’eau potable, d’assainissement et hygiène dont bénéficient 4 millions de congolais. Les chiffres ne sont pas petits. Cela implique que nous sommes le bailleur numéro deux après les Etats-Unis pour ce qui est de l’aide au développement.

Votre pays finance également la bourse «Chevening» destinée aux congolais qui souhaitent aller poursuivre leurs études au Royaume-Uni…

Oui c’est une bourse globale qui va à plusieurs pays y compris la République démocratique du Congo. A ce jour 44 congolais ont déjà bénéficié de cette bourse. Pour en bénéficier il faut entre autres parler anglais jusqu’à un certain niveau et avoir un diplôme de licence. Elle offre à tout le monde une opportunité de faire un master dans n’importe quelle université en Grande Bretagne. Le gouvernement paye les frais d’études, le coût de vie, le vol, le visa et autres pendant un an.

Vous  arrivé à la fin de votre mandant en RDC dans quelques semaines. Avez-vous un message particulier à adresser aux congolais ?

Qui fait quoi ici en RDC? Souvent je rencontre des gens qui me disent «c’est vous internationaux qui devraient sauver le Congo ». Moi je dis que cela est irréaliste. Nous faisons ce que nous pouvons mais le destin du Congo est entre les mains des congolais.